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Pour un véritable apprentissage de la citoyenneté au lycée

Lycéens déjà engagés au sein des instances lycéennes et, pour certain d'entre nous, des organisations lycéennes, notamment le Syndicat Général des Lycéens (SGL), nous ne sommes néanmoins qu'une minorité à participer à cette démocratie lycéenne qui s'avère pourtant très formatrice. Les jeunes doivent en effet pouvoir agir sur leur environnement pour pouvoir ensuite agir au sein de la démocratie. Souhaitant un réel apprentissage de la citoyenneté, nous formulons trois propositions qui, davantage que le nouvel Enseignement Moral et Civique (EMC), pourraient remédier à la fracture entre les jeunes et la vie de la cité.

Si le lycée doit préparer les jeunes au baccalauréat ainsi qu'aux études supérieures, nous avons aujourd'hui tendance à oublier que son rôle est également de former le citoyen de demain. Le lycée est une passerelle entre l'adolescence et la vie adulte : c'est généralement au cours de ces années que les jeunes acquièrent le droit de vote. Pourtant, nous observons chaque année une abstention toujours plus importante des moins de 25 ans aux élections ou, lorsqu'ils votent, un "choix" qui privilégie les partis extrémistes. Cela illustre un désintérêt croissant pour la chose publique, pour la politique locale, française et surtout européenne, que nous jugeons inquiétant. Nous éprouvons ainsi la nécessité de nous interroger sur la capacité qu'a aujourd'hui l'école de la République, et plus particulièrement le lycée, à faire de ses enfants de futurs citoyens.

 

L'une des dernières réponses du ministère de l'Education nationale à ce problème fut la création de l'Enseignement Moral et Civique (EMC), remplaçant feu l'Education Civique Juridique et Sociale (ECJS). Bien que déjà prévu, il fut l’une des réponses aux attentats de Janvier. L’intention de cet enseignement nous semblait louable et plutôt positive : débattre des grands principes de la République dans un cours transversal. Pourtant, nous nous sommes rapidement aperçus qu’il ne pourrait remplir son rôle dans les faits : les thématiques sont extrêmement larges et théoriques, les enseignants n'ont pas été formés et ne disposent que d'une heure toutes les deux semaines. Ce cours prend généralement la forme de recherches pendant une longue partie de l'année sur un sujet choisi, avec une restitution. Parfois, les heures d'EMC n'ont même pas lieu : le professeur les utilise pour finir son cours d'histoire, ce qui peut être compréhensible vu le faible nombre d’heures allouées à cette matière.

 

Tout d'abord, nous proposons la mise en place de cours de philosophie dès la classe de seconde et ce, pour tous les lycéens, de sections générales, technologiques comme professionnelles. Les professeurs de philosophie ne souhaitent pas enseigner la morale mais apprendre à penser par soi-même et développer un esprit critique, un libre arbitre mais aussi une conscience citoyenne. La matière serait introduite avec une grande place laissée aux débats, à la réflexion qui s’ajouterait à la présentation de la pensée des philosophes. Des conférences d’universitaires, de citoyens, pourraient permettre d’enrichir les cours de l’enseignant lorsque cela est possible. La majorité des lycéens et des professeurs considèrent qu’un an de philosophie dans une vie n’est pas suffisant. En effet, la philosophie, en plus de former, de faire évoluer, de favoriser la maturation personnelle d’un individu, permet aussi de mieux comprendre le monde qui nous entoure et, par conséquent, les raisons pour lesquelles l’extrémisme, qu’il soit politique ou religieux, n’est pas la solution aux problèmes sociaux et économiques. Il est donc essentiel que son apprentissage se déroule sur plusieurs années, comme dans de nombreux pays européens. De même, il est révoltant que les élèves de filière professionnelle soient privés de l’enseignement de la philosophie qui permet pourtant un changement conséquent des mentalités et qui donne aux élèves une meilleure estime d’eux-mêmes. Etre philosophe, c'est littéralement "être amoureux de la sagesse" : n'est-ce pas là suffisant pour comprendre que c'est probablement la solution majeure si l’on souhaite introduire la notion de "morale" au lycée mais aussi responsabiliser les lycéens ?

 

Ensuite, nous pensons que pour tout citoyen amené à faire des choix politiques, il est nécessaire de jouir d'un minimum de connaissances en économie. La croissance, le chômage, la monnaie sont autant de thèmes clés du débat politique. Les jeunes "non initiés" sont souvent perdus, ne comprennent pas forcément les enjeux et se tournent parfois facilement vers les propositions les plus simplistes, c'est-à-dire les plus démagogiques. Ce qui est regrettable, c'est que l'enseignement des sciences économiques et sociales ne soit assuré qu'aux élèves de cette section. Tout comme pour la philosophie, il nous semble important que tous les lycéens bénéficient d'une véritable introduction à l'économie, mais aussi à la sociologie et aux sciences politiques présentes dans cet enseignement. Des thématiques en lien avec l’’actualité pourraient y être évoqués, comme l’environnement ou les questions européennes, notions indispensables pour les citoyens de demain. En fait, il s’agit là de la composante "civique" de l'EMC.

 

Enfin, il nous semble important que tout futur citoyen puisse être en capacité de s'exprimer en public. S'il est amené à être élu, ou simplement s'il souhaite partager ses idées, il doit pouvoir les communiquer aisément à l'oral. Pour cela, il est évident que le lycée doit favoriser la prise de parole pendant les cours. Il serait également intéressant de mettre en place des ateliers de rhétorique, d'art oratoire ou encore des ateliers d'improvisation qui pourraient avoir lieu en français mais aussi dans une langue étrangère, point faible des élèves de notre pays. Une autre initiative louable serait d’encourager les lycéens à participer à des Models of United Nations (MUN) : des simulations des Nations-Unies qui ont lieu dans le monde entier et qui, en plus de favoriser l’apprentissage de l’anglais et de la géopolitique, délivrent un message de paix. Le jeune doit apprendre à maîtriser sa parole en l'adaptant à son questionnement, à sa position lors d'un débat et en menant une argumentation qui soit compréhensible par son public.

 

De fait, nous pensons, nous lycéens, soutenus par des représentants du monde de la philosophie, de l’économie, de l’oral, de l’éducation et de la politique, que ces trois propositions, que sont l'élargissement des cours de philosophie et de sciences économiques et sociales et le renforcement de la place de l'oral au lycée, alliées à des ressources comme le digital, les interventions de personnes extérieures au lycée, mais aussi les langues étrangères et l’interdisciplinarité, permettront aux jeunes d'apprendre qu'il est nécessaire de se forger une opinion par soi-même et de l'exprimer. Victor Hugo considérait que "pour faire un citoyen", il fallait commencer par "faire un Homme" en ouvrant des écoles. Ainsi, pour nous, c’est au sein du lycée que doit naitre chez tous la citoyenneté.

 

Les auteurs : 

 

Fabien LASSALLE-HUMEZ (lycéen élu au Conseil National de la Vie Lycéenne pour l'académie de Lille),

Julie GOLAZ (étudiante en CPGE à Rennes, suppléante au Conseil Supérieur de l'Education),

Ahlem GIRARD (lycéenne dans la Vienne),

Clara NOWICKI (lycéenne dans le Pas- de-Calais),

Zoé SCHWEYER (lycéenne à Paris),

Elsa REVCOLEVSCHI (lycéenne à Paris),

Jan BORREGO STEPNIEWSKI (lycéen élu au Conseil Académique de la Vie Lycéenne de Paris),

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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